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Profite de cette pluie timide pour inventer la vie. N’y prête foi –
le long fleuve de la nuit ne coule pas dans les veines du silence. Il
n’est que songe, que vol désespéré d’oiseau, serpent sans dard, sans
mots couverts ni rancune, poème en apparence si quelconque, ainsi
contemplant les lointains par le soupirail oublié du mouchard.
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Tu dois encore apprendre à aimer ce chemin point foulé, apprendre
à ne pas exister sous ton étoile, l’unique. Coupé de ta destinée, tu
connaîtras un pays de pins sans rivage, cet exil qu’on appelle paradis,
automne effarouché d’espoirs en déshérence. Sur l’autel de tes doutes
la nuit en son zénith n’est que trône où siège, impérial, l’ennui. À genoux!
vous êtes encore debout ? libérez la voie, écartez les ombres, que
j’aille, pèlerin furtif, m’effacer delà l’horizon de l’accidentel.
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Premier amour sans joie, la nuit fait ses griffes sur le drap de
l’aurore. Que voulait-il, ton sang gâté, quand il se planta dans la nappe
d’un été à l’abandon? Caraculs de la pluie, un ciel qui se hérisse, et
toute une vie indéclinable. À croire que tu n’existas pas.
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Ombre singulière, douleur de l’esprit égaré dans la steppe, ton lilas
fleurit avec ravissement et tact. Sur la route un pont sans peur, et
le cimetière du silence qui conduit la nuit sur le billot.